Un projet arrivé à maturité

La capitale fédérale s’apprête à basculer dans une douce euphorie sportive. Le 21 octobre prochain, l’espace des bains publics du Weyermannshaus à Berne sera le terrain de jeu de la 3e étape de la coupe du monde de cyclo-cross UCI, la première de la saison sur sol européen. Les meilleurs spécialistes de la planète se disputeront la victoire dans une atmosphère unique au cyclo-cross. Une atmosphère où les visages grimaçant et boueux des coureurs tranche avec les faces grimées et joviales des spectateurs. Une ambiance où les chants et cris d’encouragements des uns allègent la souffrance des autres. Une douce euphorie à laquelle n’avait plus goûté la Suisse depuis 2010.

En effet, la dernière coupe du monde sur sol suisse date d’il y a huit ans. Aigle avait mis sur pied trois étapes du circuit en 2005, 2006 et 2010. Le contexte était alors sensiblement différent. Sport de tradition, le cyclo-cross suisse était au creux de la vague, très loin de ses années glorieuses des années 70’ et 80’ au cours desquelles Albert Zweifel avait notamment remporté cinq titres de champion du monde. Depuis, l’émergence du VTT a offert une alternative attractive aux amateurs des sentiers de terre et a fortement concurrencé le cyclo-cross. Personnalité phare du cyclo-cross en Suisse, Christian Rocha a précisément suivi l’exemple du VTT pour tenter de redonner un nouveau souffle à sa discipline de cœur. « Pour faire avancer un sport dans un pays, il est nécessaire d’organiser des compétitions attractives et de haut niveau. Le VTT avait ses Swiss Cups, il nous fallait également un circuit de courses de niveau international », explique le Bernois de 36 ans.

C’est ainsi qu’il lance en 2014 son circuit international de cyclo-cross avec des étapes dans toute la Suisse : l’EKZ CrossTour. Quatre ans plus tard, son projet est arrivé à maturité et se concrétise avec l’organisation de la coupe du monde. « J’ai toujours eu cet objectif dans un coin de la tête », avoue le président du comité d’organisation. « J’étais régulièrement en contact avec l’UCI. De leur côté, ils ne voulaient pas que ce sport n’existe qu’en Belgique, là où il le plus populaire » Il s’agissait alors de trouver le moment opportun et la ville hôte pour accueillir cet événement qui fera la part belle  « J’ai senti que le projet était arrivé à maturité pour être lancé avec le format coupe du monde. Quant à l’endroit, Berne nous offrait des conditions idéales. »

La « répétition générale » au Weyermannshaus l’année dernière dans le cadre du circuit de l’EKZ CrossTour s’était soldée par une très belle réussite. « Plus de 2’500 spectateurs avaient assisté aux courses », déclare Rocha qui table sur 5’000 spectateurs cette année pour les courses du dimanche. Outre le nombre de spectateurs, le budget de la manifestation a évidemment pris l’ascenseur. Christian Rocha parle d’un budget entre trois et quatre fois supérieur à celui d’une course du CrossTour.

Par contre, le parcours ne subira aucune modification… à quelques exceptions près. « La présence de la télévision nous oblige à retracer certains secteurs, comme un virage qu’il faut faire passer devant un arbre plutôt que derrière l’arbre pour que les cameramen aient un meilleur angle de vue », illustre Rocha. Signe du relèvement du cyclo-cross, la télévision nationale diffusera la course des Elites Hommes et Femme en direct, soit environ deux heures de live. Une publicité inestimable pour cette discipline et une nouvelle preuve que la situation a passablement évolué depuis la coupe du monde de 2010 à Aigle. Régulièrement au cœur du sport, Christian Rocha a également constaté un changement de perception auprès du grand public : « Il y a dix ans, tout le monde regrettait la belle époque. Aujourd’hui, les spectateurs et notamment les plus jeunes trouvent ce sport cool et attractif ». A côté des courses de coupe du monde du dimanche, l’événement fera également la part belle à la relève et aux populaires avec notamment une Gravel Race organisée le samedi.

En cas de réussite, l’expérience devrait être renouvelée l’année suivante à Berne. La stratégie événementielle de Swiss Cycling s’inscrit également dans cette lignée. La fédération suisse de cyclisme désire attirer régulièrement des grosses compétitions internationales sur son sol. Et le cyclo-cross n’a pas été laissé en reste. En effet, l’aérodrome de Dübendorf accueillera les Championnats du monde de la discipline en 2020. Un pas de géant vers la renaissance du cyclo-cross en Suisse.