Stefan Küng: « Il ne faut jamais sous-estimer Alba, jamais ! »

Ce devait être le point final en forme d’apothéose au terme d’une longue carrière marquée par de nombreux succès. Michael Albasini avait en effet prévu de prendre congé du cyclisme professionnel à l’occasion du Tour de Suisse 2020, l’année de ses 40 ans. Mais en raison de la pandémie de coronavirus, le Thurgovien a été contraint de modifier ses plans personnels ; il a récemment prolongé son contrat avec son employeur australien Michelton-Scott jusqu’à la fin de la saison 2020.

Stefan Küng a trouvé que l’histoire entre Albasini et le Tour de Suisse ne pouvait se terminer ainsi. Le médaillé de bronze des Mondiaux au Yorkshire a donc mis sur pied une boucle nationale d’un nouveau genre. Son nom ? « Le dernier TdS pour Alba » (« die letzte TdS für Alba »). Durant ce tour, qui aura lieu la semaine prochaine, le doyen des cyclistes professionnels suisses sera accompagné par des compagnons de route issus de sa famille, de son cercle d’amis et du monde du sport ; ils s’élanceront sur le parcours qui devait être celui du Tour de Suisse 2020. Parmi le cercle des personnes qui pédaleront avec Albasini, on trouve de nombreux (anciens) cyclistes professionnels, mais aussi d’autres grands noms d’autres disciplines ; deux champions olympiques seront même de la partie, Nicola Spirig et Beat Hefti.

Comment l’idée d’organiser « le dernier TdS pour Alba » a-t-elle germé dans ton esprit ?
Stefan Küng : Au début, je me suis tout simplement dit qu’un athlète comme Alba ne pouvait pas s’arrêter ainsi après 20 ans de carrière et encore plus de victoires. J’ai donc pensé à cette « tour d’adieu » à travers la Suisse, car ce sont ces courses dans notre pays qui possèdent la plus grande signification pour nous coureurs. L’idée est de se dire que nous ne pouvons pas nous laisser abattre par ce virus. Alba a tout de suite été enchanté par ce projet lorsque nous le lui avons présenté.

Quel rôle a joué Albasini dans ta carrière ?
Il y a bien sûr la proximité régionale qui nous unit. Au début, la distance entre nous était grande, puis l’écart s’est réduit ; il a tout de même 13 ans de plus que moi. Il y a longtemps, je vibrais devant la télévision lorsqu’il roulait avec les meilleurs. Alba a toujours été ouvert avec moi. Lorsque j’avais une question, il m’a toujours fait profiter de ses connaissances. Même avec les années et ma progression dans le peloton, il ne m’a jamais vu comme un adversaire. Ça m’a impressionné.

Qu’est-ce qui caractérise le coureur Albasini ?
Sa volonté incroyable. Alba est presque capable de tomber de son vélo et de gagner l’étape une heure plus tard. Je me souviens d’un entraînement en commun il y a deux ans. Il n’était pas en forme, semblait sans énergie et a même fini par appeler son épouse qui l’a récupéré plus bas dans la vallée du Rhin, car il n’avait plus le courage de monter jusque chez lui, à Gais (AR). Deux semaines après, il a remporté le classement général du Tour des Fjords, ce dont je ne l’aurais jamais cru capable. Depuis, je suis parfaitement conscient qu’il ne faut jamais sous-estimer Alba, jamais !

Qu’est-ce qui le caractérise en tant qu’homme ?
Il ne se met jamais en avant, même s’il a gagné beaucoup de courses et peut se targuer d’un magnifique palmarès. C’est quelqu’un qui a le sens de la famille, qui est tranquille, discret, intelligent. Il n’a pas que des qualités sur son vélo. Lorsque tu t’entraînes avec lui, les discussions tournent souvent autour d’autres sujets que le cyclisme. Echanger avec lui a toujours été quelque chose de captivant et enrichissant pour moi.