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Reportage

Le BMX, une histoire de famille

Roues dans les roues: Arthur, Zoé, Inès, Vincent, Jade (en bas) et Bastien Claessens (de gauche à droite) dans un virage de la piste de BMX d’Echichens. Image: Maxime Schmid

Sur la scène du BMX suisse, on ne peut passer à côté de la famille Claessens. Du père, précurseur de la discipline en Suisse, à ses enfants, les Claessens ont le BMX dans les gênes. Ready to Ride est parti à la rencontre de cette grande famille qui roule entre passion et compétition.

Les premiers rayons de soleil caressent la piste de BMX d’Echichens en cette matinée de février. Située à la lisière d’une forêt, au beau milieu de la campagne vaudoise, la piste baigne dans le calme. Le bruit du gravier qui crisse sous le pneu vient brusquement sortir ce cadre idyllique de sa douce torpeur. Zoé vient de s’élancer de la butte de départ. Un peu plus bas, Arthur amorce un virage, tandis que Bastien saute une triple bosse. Inès et Jade s’entraînent à effectuer un passage « en enroulé » dans la dernière ligne droite, sous l’oeil attentif de Vincent. « J’évite de faire des tours de piste avec eux maintenant qu’ils me dépassent presque tous », sourit le père des cinq jeunes pilotes.

Chez les Claessens, le BMX est une histoire de famille. De l’aîné Bastien (22 ans) à la cadette Jade (10 ans), tous ont été pris du virus… tous ou presque. Seules une des sœurs et la maman ne sont pas présentes sur la piste ce matin. « Il ne faut pas trop leur parler de BMX…», glisse Vincent avec le sourire. Son enthousiasme communicatif a grandement contribué à l’essor de la discipline. A 51 ans, il fait effectivement figure de pionnier sur la scène du BMX suisse.

Entraînement en famille : Vincent Claessens (4e depuis la gauche) a transmis le virus à cinq de ses six enfants. Image: Maxime Schmid

Une maquette en papier mâché

Passionné de tout-terrain dès son plus jeune âge, Vincent Claessens se souvient encore très distinctement de la première fois qu’il a vu un vélo de BMX dans une vitrine d’un magasin de Morges en 1980. « Une des grandes rencontres de ma vie », se remémore-t-il. Pour lui qui s’amusait depuis toujours à bricoler des vélos en leur ôtant les pare-boue, c’est une révélation. A l’âge de 12 ans, il se cotise avec son frère pour débourser les 365 francs que coûtait « cette petite merveille ». Les premiers coups de pédale sont donnés dans des carrières et sur une piste que Vincent avait lui-même construite avec des amis à Echichens. « C’était plus un sentier dans la forêt avec des virages relevés qu’une vraie piste. Les bosses faisaient à peine 50 centimètres de haut », précise-t-il. Dans le village, le bruit courait qu’une piste de motocross avait été construite sans autorisation. La municipalité s’était alors réunie dans la forêt pour constater les dégâts et il avait été décidé que la piste devait être détruite. Vincent et son équipe de passionnés ne s’étaient pas laissés abattre pour autant : « Nous avons fait une présentation du BMX devant la municipalité. Nous étions tellement convaincus de notre projet qu’on nous a offert en échange un terrain pour créer une nouvelle piste. »

« Nous étions une dizaine de membres réunis dans mon jardin pour fonder le club. Nous avions copié les statuts du club de judo de Morges, dont l’un des membres faisait partie. »

Vincent Claessens

C’est ainsi que la première « vraie » piste de BMX de Suisse a vu le jour en 1983, sous l’impulsion de Vincent, alors âgé de 15 ans. « J’avais fait une maquette en papier mâ-  ché », se souvient-il, sourire aux lèvres. Ses propos débordent toujours de la même passion 35 ans plus tard. Il poursuit avec l’histoire de la création du club d’Echichens la même année, le premier club de BMX de Suisse. « Nous étions une dizaine de membres réunis dans mon jardin pour fonder le club. Nous avions copié les statuts du club de judo de Morges, dont l’un des membres faisait partie », s’esclaffe Vincent Claessens.

Un pumptrack dans le jardin

« N’oubliez pas de laver vos vélos avant de ve- nir manger », lance Vincent Claessens au moment de décharger les BMX du van en rentrant de la piste. « Les enfants sont très autonomes, c’est certai- nement propre aux grandes familles. » La tranquil- lité de l’environnement tranche avec l’animation qui règne à l’intérieur de la grande maison familiale. Une famille qui compte désormais dix membres. En plus de leurs six enfants, le couple a en effet décidé d’accueillir deux enfants ayant connu des débuts de vie difficiles. « On voulait donner une chance à des enfants en situation défavorisée de se construire dans une vraie famille. C’est aussi une façon de montrer à nos enfants qu’on a de la chance de ne manquer de rien », explique Vincent. Aujourd’hui, même s’ils voient régulièrement leurs parents biologiques respectifs, les deux petits de 4 et 5 ans font intégralement partie de la vie de famille. La solidarité entre les frères et sœurs et leurs frères d’accueil saute aux yeux. « C’est très riche pour tout le monde », relève le père de famille. Pour mieux répondre aux besoins d’une large famille, les Claessens se sont installés dans une grande maison à Villars-sous-Yens, sur les hauteurs de Morges. Une dizaine de kilomètres sépare désormais leur lieu d’habitation de la piste d’Echichens. Mais ce léger éloignement géographique ne signifie pas une prise de distance par rapport au BMX… bien au contraire. Un rapide coup d’œil aux alentours permet de s’en assurer. Une trentaine de vélos en tout genre garnissent le cabanon au bout de l’allée, tandis qu’un pumptrack en terre a été érigé dans le jardin. La rampe de départ s’élance depuis le couvert du garage. « C’est la première chose qu’on a bâti, dès que la maison était construite », s’amuse Vincent Claessens.

Entrepreneur dans l’âme, l’homme fourmille d’idées. En 2000, il a déposé un brevet pour un réveil pour enfants. Un produit qui s’est vendu à plus d’un million d’exemplaires, avant qu’il ne vende l’entreprise l’année dernière. Le BMX suisse a aussi grandement bénéficié de son enthousiasme et de sa prise d’initiative. C’est sous son impulsion que les premiers Championnats suisses de BMX se sont déroulés  à Echichens en 1984. Dix an plus tard, il reprenait la présidence du club qu’il conserve pendant 15 ans. En 2005, c’est encore lui qui est à la tête de l’organisation de la finale des Championnats d’Europe à Echichens. Cette volonté de développer le sport, Vincent Claessens la puise dans sa passion pour le BMX. Lui-même coureur, il a fait partie des meilleurs du pays pendant une décennie et a été d’ailleurs le premier pilote suisse sélectionné, avec un pi- lote suisse allemand, à prendre part à des courses à l’étranger en « superclass», l’équivalent de la catégorie Elites à l’époque. Parmi ses meilleurs souvenirs, il raconte notamment avoir participé aux premiers Championnats du monde hors des Etats-Unis en 1983 en Hollande. « Tous les pros américains étaient venus. Ils avaient dix ans d’avance sur les Européens, on n’avait aucune chance, rigole-t-il. Quand j’avais demandé à mon père si je pouvais aller à ces Mondiaux, il m’avait dit que je devais y aller, car ce serait certainement ma dernière occasion. Il ne se doutait pas que je serais toujours sur le circuit 35 ans plus tard. » A 51 ans, même s’il avoue que les innombrables heures passées sur le vélo et les quelques blessures qui les accompagnent pèsent sur son organisme, Vincent Claessens est toujours actif au plus haut niveau de sa catégorie. Ce compétiteur dans l’âme a terminé 2e des deux dernières éditions du challenge mondial dans la catégorie Challenge « 50 ans et plus », en 2017 et 2018.

« On se lance des défis »

C’est bien le père de cette grande famille qui a progressivement transmis cette passion du BMX à ses enfants, même s’il insiste sur le fait qu’il ne les a jamais poussés vers cette discipline. « Ça s’est fait tout naturellement. Il existe une grosse synergie dans les familles de sportifs », souligne Vincent Claessens. L’aîné Bastien s’y est mis à l’âge de 3 ans, puis tout s’est enchaîné. A la question de savoir comment ils s’étaient mis aux BMX, la réponse des enfants est unanime : « J’ai suivi mon père et mes aînés. » Seule Fanny (16 ans) n’a pas suivi la tendance familiale et pratique la danse aujourd’hui. « C’est bien plus beau » s’exclamet-elle, révélant avoir tout de même essayé le BMX, mais sans jamais prendre de plaisir. Ses deux petites soeurs Inès (13 ans) et Jade (10 ans) ont également testé la danse… sans succès. « C’était trop classique et ça manquait de vitesse pour moi », lance Inès. A table, les discussions tournent souvent autour du BMX. « Je suis habituée, ça ne me dérange pas », lâche Fanny en haussant les épaules. Pour Fabienne, la maman, ce qui compte « c’est que tout le monde prenne du plaisir et revienne à la maison sans se blesser ».

« Ce qui compte c’est que tout le monde prenne du plaisir et revienne à la maison sans se blesser »

Fabienne Claessens

Si le BMX monopolise les discussions, c’est bien sur la piste que cette passion commune retrouve son terrain d’expression favori. « On se motive mutuellement à aller rouler sur la piste », appuie Arthur. Zoé apprécie également cet élan positif. « Quand on est ensemble sur la piste, on se donne beaucoup de conseils. En général, mes grands frères me conseillent, et moi j’aide plutôt mes petites soeurs. On se lance parfois des défis… je perds souvent contre mes frères », rigole-t-elle, bonne joueuse. Il faut dire que les jeunes Claessens se sont déjà constitués un certain palmarès. Bastien a été champion suisse Juniors et a remporté des Coupes d’Europe dans cette même catégorie, tandis qu’Arthur a décroché la médaille de bronze aux derniers Championnats suisses Elites derrière Graf et Marquart. A 18 ans à peine, Zoé s’affi rme déjà comme une des meilleures athlètes du monde dans sa catégorie d’âge (voir infobox).

Vincent Claessens suit évidemment de près l’évolution de ses graines de champion. « Je n’ai jamais rêvé que mes enfants deviennent des champions. Mais maintenant qu’ils ont atteint un certain niveau, je les conseille pour éviter qu’ils ne brûlent des étapes », reconnaît-il. Pour faciliter les déplacements de cette grande famille de sportifs, il a récemment fait l’acquisition d’un van à 14 places. « Ce n’est pas seulement pour le BMX, mais aussi pour les vacances en famille, tempère Vincent. Je te promets que ce n’est pas de trop si on veut s’asseoir tous les dix dedans, avec les bagages… et tous les vélos. Bah oui, on ne part évidemment jamais en vacances sans nos vélos ». Décidément, le BMX est une histoire de famille chez les Claessens.

Zoé vise le triplé

Vice-championne du monde Juniors en titre et en tête du classement mondial de l’UCI Juniors, Zoé Claessens entame la nouvelle saison de BMX avec des ambitions bien éfinies. Même si les pronostics restent très difficiles dans ce sport, elle vise tout simplement les trois titres de championne à l’échelon suisse, européen et mondial dans la catégorie Juniors. Elle pense également s’aligner sur quelques épreuves de la saison de Coupe du monde qui débute à Manchester, le weekend du 27-28 avril. A tout juste 18 ans – elle le fêtera justement ce weekend-là – elle aimerait disputer idéalement au moins une finale dans la catégorie Elites, comme la catégorie Juniors n’existe pas en coupe du monde. Et sur le long terme ? « Mon rêve est de disputer les Jeux olympiques, si possible dès Tokyo l’année prochaine, et viser un résultat à Paris en 2024 », déclare la Vaudoise, tout juste nominée pour le titre de meilleur espoir romand de l’Aide Sportive.

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